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L’autisme de Clarisse

Extraits de la présentation de la Maison Harmonia lors de l’A.G. de la Société Philanthropique du 22/06/2017

Par Roselyne de Carmoy, administratrice de la Société Philanthropique et psychologue clinicienne, maître de conférences à l’Université de Paris V René Descartes, membre de la société psychanalytique de Paris

L’autisme est décrit comme un trouble développemental précoce qui dure toute la vie et se traduit par un ensemble de comportements inadaptés. Ce n’est pas une maladie, et il n’existe pas, à l’heure actuelle, de médicament spécifique pour le guérir. Mais une prise en charge adaptée permet de mieux vivre avec l’autisme. On peut en décrire quatre caractéristiques principales.

1) La première, qui est la spécificité de ce syndrome, sa caractéristique essentielle, c’est le trouble de la communication avec autrui, et ceci dès le plus jeune âge. L’enfant se comporte comme s’il était seul, il semble indifférent à la présence d’autrui et n’établit pas de lien affectif : il évite le regard, il n’utilise pas le corps de l’autre, celui de sa mère en particulier, pour des manifestations de tendresse ou d’émotions. Il a un retard de langage qui n’a pas fonction de communication et d’échange. C’est un langage pauvre, sans intonations affectives, avec des formules répétitives, des écholalies. Cette altération très précoce du lien humain relationnel provoque une perturbation importante des réactions psychiques et émotionnelles chez toutes les personnes amenées à inter réagir avec l’enfant, et en premier lieu ses parents qui sont nécessairement en grande souffrance.

2) La seconde caractéristique de l’autisme, c’est l’extrême résistance au changement qui s’exprime par une exigence de permanence ou de constance dans l’environnement. La personne autiste souffre de toute modification de ce qui l’entoure, que ce soit les objets familiers – vêtements, objets de la vie quotidienne – que les personnes de son entourage, les lieux de vie, les trajets. L’autiste réagit aux changements par des épisodes des souffrance anxieuse ou 2 des crises d’agitation et de violence souvent dirigées contre lui-même et il s’automutile : il se griffe, se frappe, s’arrache les cheveux. Pour se protéger de cette angoisse il va développer des stratégies de contrôle comme des comportements répétitifs, des rituels, des stéréotypies motrices : bercements, balancements, mouvements de main, par exemple.

3) Le troisième type de symptômes est constitué par la pauvreté des centres d’intérêt de la personne autiste qui se caractérisent par leur nature non sociale et non humaine. Au lieu de s’intéresser à l’échange avec son entourage humain, l’autiste se concentre sur des activités répétitives et stéréotypés : des roues qui tournent, des trains qui roulent, des encastrements, des calculs arithmétiques. Enfin, il faut signaler la fréquence d’autres troubles ou pathologies associées : dans 70 % des cas il y a un retard mental et développemental. Parfois, une épilepsie, une anomalie génétique, de l’ hyperactivité. On rencontre fréquemment des troubles du sommeil et de l’alimentation. Ces troubles sont variables d’une personne à l’autre, et peuvent évoluer au cours du temps chez une même personne en fonction de l’accompagnement qui lui est proposé.

Pour terminer cette présentation sur l’autisme, voyons l’état des lieux de l’autisme en France. Le sex-ratio est de 4 garçons pour 1 fille. On compte 650 000 personnes en France atteintes de Troubles du Spectre Autistique, dont 75 000 seulement sont prises en charge de façon adaptée. Autrement dit, il y a une béance, en France, de prise en charge de la personne autiste, que ce soit les enfants ou les adultes, et en particulier les adultes. Soit ils sont mis dans des structures qui ne leur conviennent pas et ils régressent. Parfois, ils trouvent un accueil à l’étranger, en Belgique par exemple. Ou encore, ils restent à la charge de leur famille ce qui représente bien une lourde contrainte. Et c’est ici qu’intervient la Société Philanthropique, qui, comme vous le savez, a vocation de venir en aide aux grandes détresses non prises en charge par l’Etat.

Présentation de Clarisse

Pour terminer cette présentation, je vous propose l’observation de l’une des candidates ayant demandé son admission à Maison Harmonia.

Je l’ai appelée Clarisse. Elle a 25 ans. Elle présente un retard de développement mais ne pose pas de problème de santé majeur.

Clarisse utilise le langage avec difficulté. Elle sait faire des phrases mais s’exprime surtout par mots-clés en y associant des gestes et en montrant des photos. Les éducateurs et sa famille pensent qu’elle comprend ce qu’on lui dit mais n’en tient pas toujours compte.

Elle s’habille et se lave seule, avec une stimulation verbale car elle a besoin d’être encouragée.

Ses nuits sont souvent agitées. Elle fait de mauvais rêves, se réveille souvent et a besoin d’être rassurée. Les éducateurs ont mis en place une stratégie pour l’aider : rituels au moment du coucher, grosse peluche devenue gardienne de la chambre et des mauvais rêves, une veilleuse et des oreillers avec des photos de sa famille imprimées dessus.

Clarisse peut manger seule mais les aliments doivent être coupés et pas trop durs. Elle est capable de se tenir de façon adaptée lorsqu’elle va au restaurant en famille, mais dans son Foyer actuel, il lui arrive de se tâcher, de mettre sa nourriture partout, de crier, de faire des bruits incongrus sans que les réflexions de l’équipe éducative influencent ce comportement.

Clarisse est bien intégrée dans le groupe. Elle privilégie les relations exclusives avec les résidents comme avec les éducateurs. Elle peut exprimer beaucoup d’empathie envers ses camarades, s’inquiéter pour eux s’ils sont tristes ou malades. Récemment elle a consolé une de ses camarades qui était angoissée. Elle essaie de plus en plus de créer du lien avec les autres. Parfois elle demande un moment pour discuter seule avec un éducateur et elle n’aime pas rester seule dans sa chambre qu’elle n’a pas réellement investie.

Elle est très en demande d’attention. Lorsqu’elle veut quelque chose, elle insiste et si elle n’a pas la réponse voulue, elle peut attraper le bras de son interlocuteur et se mettre à crier. Il est important alors, de la resituer dans le temps présent, de lui apporter une réponse claire sur la situation et de lui rappeler les interdits : le cadre posé lui permet de calmer ses angoisses. Lorsqu’elle est angoissée ou frustrée, Clarisse peut se griffer les bras fortement, crier, tirer sur ses vêtements ou ceux des personnes présentes. Il faut alors essayer de comprendre ce qui la frustre et reformuler ce que l’on a compris.

Clarisse participe beaucoup aux activités qui ont un lien avec la musique et le théâtre. Elle est particulièrement à l’aise dans les activités d’expression corporelle : elle adore la danse, danse très bien et écoute beaucoup de musique. Elle apprécie l’atelier d’esthétisme, se montre coquette et aime se faire belle pour les fêtes.

Par moments, elle refuse les activités proposées et peut passer la journée entière sur le canapé du salon à se balancer et à écouter de la musique.

Au total Clarisse est vive, attachante et veut créer du lien malgré ses sévères limitations qui la rendent dépendante. C’est le type de personne autiste que Maison Harmonia souhaite prendre en charge. Maison Harmonia est un projet expérimental, un Projet Pilote innovant que nous souhaiterions pouvoir dupliquer s’il s’avère, à l’usage, une expérience viable et de qualité répondant aux objectifs et aux critères de la Société Philanthropique.